TRIBUNE | Dividendes : cessons de fustiger les entreprises

Les actionnaires contribuent au succès de l’entreprise en mettant à disposition des fonds pour le temps long. Les dividendes en sont la juste rémunération. Ce n’est pas à l’Etat, mais aux actionnaires de décider ce que, en temps de crise, les entreprises doivent faire de leur argent. En tenant compte, c’est une évidence, du bien commun.

Denis Terrien, président de l'IFA
Denis Terrien, président de l’IFA
Daniel Hurstel, président de la commission juridique
Daniel Hurstel, président de la commission juridique

Les médias se sont fait l’écho ces derniers jours du débat entre le gouvernement et des représentants des entreprises concernant le versement aux actionnaires de dividendes au titre de l’année 2019. Serait-il tolérable qu’une entreprise demande l’aide publique pour traverser cette crise par un report des charges ou un recours au chômage partiel subventionné par l’Etat et distribue simultanément des dividendes à ses actionnaires ?

Que les entreprises soient aidées par l’Etat n’est pas propre à une période de crise : les aides à la recherche et à l’innovation, l’utilisation d’infrastructures, voire dans une certaine mesure la commande publique en sont l’exemple. Alors, qu’y a-t-il de différent en temps de crise comme celle que nous traversons ?

Comportements responsables

De nombreuses entreprises ont vite adopté des comportements responsables en assurant la continuité des approvisionnements critiques, en maintenant les salariés dans l’emploi par une organisation reposant sur le télétravail, en s’engageant à payer leurs fournisseurs comptant, en adaptant leur outil de production, en coopérant avec d’autres entreprises pour produire des masques, du gel hydroalcoolique et des respirateurs, ou encore en proposant gratuitement des services de plateforme logistique pour l’approvisionnement de produits hospitaliers ou d’e-learning à destination des soignants diffusant les bonnes pratiques thérapeutiques pour le traitement du Covid-19. Par ces initiatives, ces entreprises démontrent leur engagement pour le bien commun.

Le débat de ces derniers jours s’est focalisé sur le versement au titre de 2019 d’un dividende aux actionnaires et d’un bonus de performance à certains dirigeants. En effet, pour de nombreuses entreprises, l’année écoulée a été bonne, voire très bonne. Donc, dirigeants et actionnaires peuvent légitimement prétendre en percevoir les fruits. Le débat est d’autant plus vif en France que les dividendes et la rémunération des dirigeants ont souvent une image de gains indus versés à des personnes nanties. Cette vision est inopportune à un moment où nous avons besoin de travailler ensemble pour construire un capitalisme responsable. Nous aurons besoin des actionnaires, à court terme pour relancer l’économie après la crise et à moyen et long terme pour aider l’entreprise à s’adapter à un modèle de « stakeholders » et aux impératifs ESG.

Besoin de liquidités

Revenons donc aux dividendes. Les actionnaires contribuent au succès de l’entreprise en lui mettant à disposition des fonds pour le temps long. Les dividendes en sont la juste rémunération de même que l’intérêt d’un prêt est la rémunération de la banque.

Pour autant, dans la période actuelle, l’entreprise aura besoin de liquidités pour maintenir les compétences, innover avec de nouveaux produits et services adaptés au monde d’après, investir pour renforcer sa résilience, de la supply-chain aux systèmes d’information. L’intérêt objectif des actionnaires est donc de modérer ou différer le montant des dividendes à percevoir aujourd’hui, leur capital pour l’avenir en dépend. Plutôt que subir une contrainte émanant de l’Etat, les entreprises, grandes et petites devront décider de ce point en étant attentives à toutes leurs parties prenantes : elles sont en effet solidaires dans l’intérêt de leur bien commun : l’entreprise.

Les entreprises divisées sur le versement des dividendes

La règle contraignante si elle existe sera réductrice dans la mesure où elle aura du mal à prendre en compte la diversité des situations : banques mutualistes, entreprises familiales, groupes avec une majorité de contrôle, groupes à fort actionnariat salarié, entreprises dont l’actionnariat est fragmenté. D’autre part, les dividendes n’ont pas la même vocation pour la société cotée en Bourse, pour la PME/ETI ou pour un « petit épargnant » qui y attend un complément de revenu. Autant de cas de figure spécifiques.

C’est le rôle des administratrices et administrateurs engagés siégeant au conseil d’administration ou conseil de surveillance des entreprises que de traiter cette question avec les dirigeants de l’entreprise.

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