Tribune IFA : « La gouvernance : un levier stratégique pour les associations et fondations »

Par Mireille Faugère et Nicolas Truelle, co-présidents du club associations et fondations de l’IFA

Le monde associatif et fondatif est un pilier essentiel de notre société. Il représente près de 3,5 % du PIB national, plus d’un million et demi de structures, vingt-deux millions de bénévoles et un million de salariés. Ce vaste écosystème, qui mêle associations, fondations modestes portées par des bénévoles et grandes institutions employeuses gérant des activités financières significatives, exerce un impact économique, social et humain considérable.

Et pourtant, ce secteur, si vital, repose sur des équilibres souvent fragiles. Dans bien des associations et fondations, celles et ceux qui les dirigent, portés par leur engagement, laissent parfois “le cœur l’emporter sur la raison” : la passion et l’urgence de la mission prennent le pas sur les bons réflexes de gestion. La loi de 1901, qui fonde la liberté associative, laisse une grande souplesse d’organisation, ce qui est une richesse, mais aussi une responsabilité. Face à la raréfaction des financements et aux exigences accrues de transparence, la gouvernance s’impose comme le pilier de la crédibilité, de la pérennité et de l’efficacité de l’action associative.

Pour remplir pleinement son rôle, la gouvernance des associations et fondations se distingue de celle des entreprises. Elle s’enracine dans une culture du collectif, du dialogue et de la co-construction, où la confiance et le temps long sont essentiels. C’est ce qui en fait à la fois la richesse et la complexité. Cette culture, alliée à la souplesse du cadre juridique, expose les entités à un risque spécifique : des administrateurs bénévoles, portés par leur conviction, et qui demeurent en droit comme en fait les dirigeants de leur organisation. S’ils ne peuvent procéder à une délégation trop étendue de leurs pouvoirs aux salariés, sans risquer de fragiliser le principe de gestion désintéressée, la délégation constitue un levier précieux pour la vitalité de la structure. Son efficacité repose sur l’exercice d’un contrôle rigoureux et sur un dialogue régulier, nourri d’intelligence réciproque, entre le conseil et la direction. C’est dans cet équilibre entre confiance et fonction de vigie que se bâtit une gouvernance solide, capable d’assurer la continuité du projet associatif et de mieux servir la mission collective.

Ce cadre exigeant renforce la nécessité d’une gouvernance compétente et formée, capable d’assumer pleinement ses responsabilités tout en préservant la vitalité opérationnelle du tissu associatif et fondatif.

Le conseil d’administration a, à ce titre, une responsabilité décisive : veiller à l’alignement entre le projet associatif (le « pourquoi »), le plan stratégique (le « comment ») et les moyens opérationnels. Il doit aussi assumer une fonction de vigie, anticiper les risques et éviter deux écueils opposés : la passivité d’une simple chambre d’enregistrement ou l’ingérence dans la gestion quotidienne.

La qualité de la gouvernance repose sur des administrateurs compétents, divers et formés. Leur recrutement ne peut plus reposer sur le seul réseau du président, mais sur un processus structuré garantissant la complémentarité des profils, la disponibilité effective de ces membres bénévoles et l’adéquation aux enjeux de la structure. Dans les conseils d’administration composés de bénévoles, un risque réside dans la difficulté à mobiliser l’ensemble des administrateurs au même niveau d’engagement. Un déséquilibre d’implication entre ses membres peut parfois conduire à la concentration du travail sur le seul bureau ou le développement d’une relation trop exclusive entre le président et le directeur général. Une gouvernance équilibrée suppose donc de veiller à la participation active de chacun, d’éviter la centralisation des échanges et de faire vivre la collégialité au sein du conseil. L’efficacité du conseil repose par ailleurs sur une composition équilibrée, des statuts clairs, un règlement intérieur vivant et une relation de confiance entre le conseil et l’équipe dirigeante. La gouvernance n’est pas une contrainte, mais un levier structurant au service du sens et de l’efficacité. Se former à la gouvernance, ce n’est pas s’éloigner du terrain : c’est mieux servir le projet collectif.

Plus qu’une exigence, la gouvernance est aujourd’hui le signe d’une professionnalisation indispensable. Elle n’est pas une fin en soi, mais le moyen de servir la mission au quotidien et dans la durée. Grâce à l’engagement d’acteurs de la société civile et de réseaux d’administrateurs formés, se diffusent les pratiques d’une gouvernance éclairée, au service du bien commun. Dans un monde incertain, elle transforme la passion en puissance collective et aide chaque acteur, quelle que soit sa taille, à rester fidèle à son projet avec discernement et engagement. La bonne gouvernance n’est plus une option : elle conditionne la pérennité même de nombre d’associations et de fondations.

Connexion