À quelques semaines de la parution de la quatrième édition du Vade-mecum, ses co-auteurs, Jean-Florent Rérolle et Anne Outin-Adam, reviennent sur leurs années de travail en commun au cœur des instances de l’IFA, sur cette nouvelle entreprise d’écriture à quatre mains, sur les mutations de fond qui l’ont motivée et sur la valeur ajoutée de l’ouvrage à paraître.
Dresser un état des lieux de la gouvernance, en identifier les bonnes pratiques, en souligner les enjeux… C’est à cette triple ambition que répond le Vade-mecum, cette « bible de l’administrateur » dont la quatrième édition – signée Jean-Florent Rérolle et Anne Outin-Adam pour l’IFA – paraîtra dans quelques semaines mais dont l’aventure remonte aux premiers temps de l’IFA, ou presque. À l’époque, Jean-Florent, associé chez Ernst & Young, trouve, comme d’autres, « qu’il manque un think tank pour améliorer la gouvernance en France, un espace d’influence dédié à ses enjeux… ». Anne est directrice des politiques économiques et juridiques de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Lorsque l’IFA voit le jour, tous deux participent à la rédaction des statuts et, début 2003, l’Institut français des administrateurs s’impose comme l’organisme de référence de la gouvernance. Pour ces deux passionnés du sujet, c’est le début d’une longue collaboration.
Ouvrage de référence
Celle-ci s’amorce suite à la création d’un premier groupe de travail dédié au fonctionnement du conseil d’administration dont Jean-Florent est rapporteur. « Au fil des entretiens nous avions accumulé un tel volume d’informations que je me suis rapidement dit qu’il y avait matière à faire plus qu’un rapport, se souvient-il : un livre… » Ce sera le premier Vade-mecum, un ouvrage de référence à usage des conseils et de leurs membres qui paraît en 2005, principalement dédié au cycle de vie de l’administrateur et à ses prises de décision. Deux thématiques clés auxquelles vont bientôt s’en ajouter une autre lorsque, trois ans plus tard, la deuxième édition voit le jour, avec la dimension juridique qui lui manquait jusqu’alors. En 2013 une troisième version vient actualiser la précédente. Il faut ensuite attendre plus de sept ans pour que le projet d’une quatrième édition – aujourd’hui sur le point d’aboutir avec la parution imminente de l’ouvrage – soit lancé. Pour les deux co-auteurs, la tâche s’annonce ardue. Et pour cause.
« En moins de dix ans, la gouvernance est devenue un vrai enjeu d’éthique, de développement économique et un critère de choix décisif pour un nombre croissant d’investisseurs » ; Jean-Florent Rerolle
Une gouvernance en mutation
« En dix ans, dans les pratiques comme dans les attentes, beaucoup de changements s’étaient opérés, les réglementations, en hard comme en soft law, avaient évolué, ce qui nécessitait qu’on retravaille le sujet en profondeur, indique Jean-Florent Rérolle dont la propre expertise s’est approfondie suite à plusieurs expériences d’administrateur. De son côté, Anne Outin-Adam vient enrichir cette nouvelle édition non seulement de sa rigueur juridique mais aussi de sa connaissance fine du monde des entreprises et de cette sensibilité prospective qui, durant vingt ans, lui aura permis, au sein de la CCI, de travailler à « bâtir un monde adéquat pour les acteurs économiques et la société civile de demain ». Elle aussi en atteste : cette édition 2023 fait non seulement état des transformations majeures qu’a connu le monde de la gouvernance au cours de ces dernières années – mise en place de la parité, instauration d’un dialogue actionnarial, enjeux de type ESG, raison d’être, nouvelles exigences de la société civile, etc – mais aussi des évolutions législatives qui en ont découlé. « Sur le plan national comme européen, beaucoup de normes étaient apparues qui avaient fortement modifié les comportements au sein des conseils, souligne Jean-Florent Rérolle. En moins de dix ans, la gouvernance était devenue un vrai enjeu d’éthique, de développement économique et un critère de choix décisif pour un nombre croissant d’investisseurs ».
Architecte et boussole
Face à ce changement de périmètre, le Vade-mecum quatrième génération renouvelle le genre en abordant des thématiques dans la lignée des sujets portés par l’IFA tels que : l’évaluation du dirigeant, le climat, l’allocation du capital ou encore le rôle de l’administrateur. « Celui d’architecte de la gouvernance et celui de boussole stratégique », résume Jean-Florent Rérolle pour qui telles sont, désormais, les deux fonctions « clés » du conseil : « organiser la gouvernance pour accompagner le management et être dans la méta-stratégie pour développer la vision qui permettra à l’entreprise de créer de la valeur à long terme ».
Pour Anne Outin-Adam, le caractère novateur de cette nouvelle édition tient en grande partie au fait que, pour la première fois, on y parle « posture de l’administrateur », ce qui contribue à sa valeur et à sa capacité à refléter un monde de la gouvernance en mutation. « En dix ans, on est passé d’un conseil d’administration dont le but premier était l’appréhension et la gestion des risques à un conseil qui contribue activement à la stratégie de l’entreprise et qui doit faire face à la montée d’un actionnariat de plus en plus impliqué dans la stratégie extra-financière de l’entreprise », décrypte Jean-Florent Rérolle qui rappelle que ces deux paramètres – qui n’existaient pas il y a encore quelques années – « structurent aujourd’hui la fonction d’administrateur ».
« Cette édition a un côté « livre de recettes » : elle offre des options sans donner d’injonctions » ; Anne Outin-Adam
Formuler des options, pas des injonctions
Reste que, si le périmètre de réflexion de l’ouvrage s’est élargi, son ambition première demeure inchangée. Elle consiste toujours à aider les administrateurs à interagir efficacement avec les instances de direction et à acquérir une vision plus large de leur rôle. « Comme les versions précédentes, ce vade-mecum vise toujours à éclairer les administrateurs sur leur mission ; à les aider à prendre du recul pour les amener à poser et à se poser les bonnes questions ; à leur donner un certain courage pour construire, au sein de l’entreprise, une stratégie en adéquation avec les attentes de la société, explique Anne. C’est pourquoi cette édition a un côté « livre de recettes » : elle offre des options sans donner d’injonctions ». Jean-Florent confirme : « Le Vade-mecum ne se veut pas prescriptif : c’est un ouvrage qui cherche à donner à voir des pistes de réflexion un peu prospectives aux administrateurs, notamment en leur faisant prendre conscience des biais cognitifs qui impactent leur prise de décisions, pour les inciter à infléchir certains aspects de leur fonction ». Et ce faisant, leur rappeler que la gouvernance reste, comme le rappelle régulièrement l’IFA, une matière aussi exigeante qu’évolutive.